Vos placements sont-ils verts ?
Dénicher un placement complètement vert est pratiquement un parcours de combattant. Tout d’abord, si les planificateurs financiers vous posent de multiples questions au sujet de votre tolérance au risque, rares sont ceux qui demandent d’emblée « Êtes-vous prêt à sacrifier une réduction de X tonnes de carbone pour avoir un rendement plus élevé ? » Ou encore : « Qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? Le prix le plus bas ou la manière dont le produit est fabriqué ? »
Deuxièmement, ce qui complique la recherche, c’est qu’il n’y a aucun critère précis, aucune règle unique qui établit le contenu d’un placement favorable à l’environnement.
« “Fonds vert”, ce n’est pas une certification, affirme Jean-Philippe Renaut, directeur général chez Æquo, qui offre des services sur mesure en matière d’investissement responsable. C’est selon les critères de la personne qui vous vend le fonds. »
Ce spécialiste nous retourne d’ailleurs la question. « C’est vert pour qui ? demande-t-il. Quels sont vos critères ? Vous ne voulez peut-être rien savoir des combustibles fossiles, mais est-ce que vous êtes à l’aise d’investir dans les détaillants, ceux qui vendent l’essence ? »
Jean-Philippe Renaut évoque aussi les usines de tri pour le recyclage qui sont plutôt vert pâle, parce qu’elles polluent. Et comment qualifier l’industrie de la voiture électrique ? Les autos causent de la congestion, après tout ?
« C’est une empreinte environnementale importante et il y a plein d’enjeux autour de l’exploitation des métaux rares [pour les batteries], souligne-t-il. Il faut remplir nos batteries. Il faut que l’électricité vienne de quelque part. Ici, au Québec, on est chanceux. Mais c’est une exception. »
Dans un reportage de l’émission La facture, en octobre, Desjardins a été critiqué pour ses fonds SociéTerre, dont 6 sur 13 contiennent des entreprises travaillant dans les combustibles fossiles. Mais sur les sites de Tangerine, Groupe Banque TD, Banque Laurentienne et la Banque CIBC, La Presse n’a trouvé aucun placement orienté vers l’environnement. Aucune de ces institutions n’a répondu aux questions de La Presse.
La Banque Royale, de son côté, offre un seul fonds dont les combustibles fossiles sont spécifiquement exclus.
« L’économie canadienne, c’est principalement les finances et le pétrole, soutient Brigitte Felx, première directrice régionale, stratégie de distribution entreprise RBC gestion mondiale d’actifs. On ne peut pas se permettre de les exclure de certains marchés, parce qu’on n’aura pas de croissance. »
Dans le choix et l’analyse des titres, RBC comme la plupart des institutions vont plutôt intégrer les trois critères ESG : facteurs environnementaux, enjeux sociaux et gouvernance.
Or, ESG ne garantit pas d’exclusion, comme le souligne la Banque Nationale Investissements.
« Notre approche n’est pas basée sur l’exclusion. On peut trouver des compagnies avec des combustibles fossiles. Il peut y avoir des compagnies dans des secteurs traditionnels et on regarde les efforts qu’ils font pour le virage vert. »
— Joe Nakhle, vice-président solutions d’investissement chez Banque Nationale Investissements
Certains vont donc opter pour une stratégie dite d’intégration. Ils vont intégrer les combustibles fossiles, mais vont choisir les entreprises qui ont les meilleures pratiques dans leurs procédés de fabrication.
« Donc, oui, on investit encore en Alberta dans les sables bitumineux, mais on va aller chercher ceux qui entraînent le reste de l’industrie vers le haut », précise Jean-Philippe Renaut, directeur général chez Æquo.
Il explique que la stratégie qui se rapproche le plus de l’investissement complètement vert, c’est l’investissement d’impact. On choisit, par exemple, des entreprises qui fabriquent des panneaux solaires et celles qui se spécialisent dans l’électrification des transports. Toutefois, investir dans une entreprise en démarrage comporte des risques.
« Si vous décidez d’investir seulement dans une entreprise de panneaux solaires et une autre qui améliore les technologies de recyclage et qu’elle fait banqueroute l’année prochaine, ça fait 50 % de vos placements qui sont partis. »
Voilà pourquoi dans des fonds dits verts, on retrouve des banques et de grandes entreprises du secteur des communications qui ne peuvent avoir de vert que leur programme de recyclage.